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Chapitre 1 - Un siège à Futech

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Brouillon
Samira E - Cet article fait partie d'une série.
Partie 1: Cet article

C’est devant cette porte en acier arborant le logo de Futech, que Maurice Rivay commençait son premier jour de service en tant que futchi assermenté.

Chaque regard sur l’une ou l’autre des vagues du logo lui serrait un peu plus la poitrine, faisant naître une angoisse qu’il n’avait pas anticipée.

Le jeune homme inspira profondément, tentant de calmer les battements erratiques de son cœur.

« Monsieur Rivay ? » La voix qui s’échappa de l’interphone le fit sursauter. « Vous pouvez entrer. »

La porte métallique glissa silencieusement, révélant une seconde porte à travers laquelle la lumière semblait se perdre, incapable de la traverser.

En franchissant le seuil, Maurice ressentit ce léger picotement habituel, une sensation familière qui le parcourut de la tête aux pieds. C’était presque imperceptible, mais suffisant pour calmer sa tachycardie et le ramener à réalité qui l’entourait. Il leva les yeux, habitué à cette transition, et se retrouva dans un espace d’une grande sobriété.

Le bureau était vaste, baigné d’une lumière naturelle, les quelques étagères derrière l’homme qui lui tendait la main devaient contenir des livres d’étude théorique sur les Hamil comme le laissait penser leur reliure.

« Bienvenue. Isode Kreel, superviseur et Maitre Torii, c’est moi qui suis chargé de votre première journée dans notre service. »

Maurice cligna des yeux, comme pour se demander comment il avait pu ignorer cet homme d’un mètre quatre-vingt-treize entre lui et la bibliothèque, et, dans un geste rapide, serra la main d’Isode tout en s’excusant.

« Oh, bonjour ! Désolé, je ne vous avais pas vu. Je suis Maurice Rivay, Initié futchi et nouvel agent. »

Isode esquissa un léger sourire, amusé par la situation et invita Rivay à le suivre jusqu’à son poste de travail.

Ils traversèrent plusieurs portes opaques avant de s’arrêter quelques instants dans le sas de décontamination les menant au poste de Maurice.

« Une fois désinfecté, vous pourrez entrer et commencer votre travail. En cas de besoin, je serai à la supervision, là où je vous vois et vous entends » lui adressa Isode en souriant.

La pièce derrière cette nouvelle porte mate ressemblait à celles dans lesquelles il avait déjà pratiqué pendant ses quatre années d’études.

D’abord, un grand bureau dont la table était faite d’une plaque de verre protégeant un écran diffusant les informations de l’Algorithme.

Puis, un siège aussi confortable que peut-être un siège de bureau.

Ensuite, des tapis roulants. Un à droite du bureau, et un sur la gauche.

Et, bien-sûr, les caméras, 6 pour être exacte. Chacune scrutant chaque centimètre carré de la pièce, faisant passer l’envie de faire disparaitre ce qui transite sur ces tapis.


C’est sur cette chaise molletonnée qu’il passa la première année de son « service aux entreprises » comme le nomme le S.L.A.S.T.

Huit heures par jour, cinq jours par semaine, il utilisait son pouvoir, toujours dans le même enchaînement mécanique. Ses mains agissaient sans penser comme le fait un croupier en pleine partie.

D’abord un mouvement net pour exposer ses paumes vides à la caméra.

Puis, d’un mouvement fluide et précis, la main droite sur l’objet arrivant du tapis.

Ensuite, la main gauche fait apparaitre une copie de l’objet marquée d’une griffe orange et la dépose sur le tapis de gauche.

Et ainsi de suite jusqu’à ce que l’écran signale que le nombre de copies est suffisant.

Enfin, comme un croupier récupère les gains, Rivay saisis l’objet à sa droite marquée de griffes violettes pour le faire voyager sur le tapis de gauche.

À chaque réussite, une cloche résonne, comme pour féliciter l’agent à l’œuvre. Elle marque un gain significatif, 500 slads pour une simple réussite, jusqu’à 2500 lorsqu’il réussit à créer trois nouvelles copies à la fois.

Cumulé, cela donne un salaire faramineux que seuls les futchi assermentés peuvent espérer gagner. Pour Rivay, cette tâche ne durerait que le temps de son « service ».

Soudain, une lumière rouge se mit à clignoter, illuminant la pièce autour de l’écran. Rivay ne fût pas surpris, ce genre d’événement arrive à chaque fois qu’un agent loupe une copie. L’écran affiche ensuite une vidéo de l’agent en question, tenant son objet de la main droite. Puis, un zoom sur l’objet laisse apparaitre le temps de quelque secondes deux marques violettes formant une croix. Et l’objet disparait.

L’agent à l’écran n’est pas surpris non plus. Ce genre d’échec arrive presque tous les jours dans l’usine.

« Isode est-ce que tu peux arrêter de m’envoyer ces vidéos, je perds mon temps… » demanda Maurice aux caméras. « C’est la procédure, tu le sais bien » lui répondit une voix depuis l’une d’entre elles.

Cette procédure Maurice la connait bien, on lui a enseigné lors de ses études. Elle est censée rappeler aux futchi que leur pouvoir comporte des risques, et que c’est pour cette raison qu’ils ne peuvent l’utiliser qu’au sein d’une entreprise assermentée par le S.L.A.S.T.

Futech utilise surtout cette alerte pour rappeler à ses agents à quel point son algorithme est performant. « Seulement 0,05 % d’échec dans toute l’usine » comme aime à le rappeler Sofia Alvarez, directrice de la communication du groupe, lors de chacune de ses interventions médiatiques.

Une statistique qui ne doit rien au hasard. Dix ans d’expertise dans l’analyse des futchi ont permis à l’entreprise de perfectionner ses processus. L’Algorithme sait exactement quel agent est le plus efficace pour chaque clonage et combien de copies pourront être réalisées.

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