Quelques mois s’étaient écoulés depuis l’incident du chat. Maurice Rivay était resté chez Futech. Il avait espéré que son plan pour quitter l’entreprise se réaliserait après son service obligatoire, mais la réalité s’était avérée plus brutale.
Futech avait mis la main sur lui, le piégeant lors d’un incident bien orchestré pour le contraindre à travailler clandestinement.
Son rôle ? Cloner des animaux pour des clients fortunés ou pour des zoos situés dans des Lager éloignés.
Jour après jours, il travaillait sous les ordres d’Isode Kreel. Lui aussi était prisonnier de cette situation. L’homme, autrefois si imposant et sûr de lui, était devenu une ombre de lui-même. Futech détenait des informations compromettantes sur chacun des employés de cette branche clandestine. La pression était constante, et le poids des actes qu’ils accomplissaient pesait lourd sur leurs consciences.
« Le clone ne porte pas les souvenirs ni l’âme de celui qui l’a précédé. C’est comme si un être tout neuf prenait place dans un corps déjà usé, une entité distincte qui n’a ni les traces du passé, ni la continuité de l’esprit d’origine. » Cette phrase, de son professeur d’éthique, Maurice l’entendait à chaque fois qu’il devait cloner un être vivant.
Ce soir-là, après une longue journée passée à cloner toute sorte d’animaux, Maurice retrouva Julia dans un café discret de la ville. La pluie tambourinait contre les grandes vitres, créant une ambiance apaisante.
« Tu m’as l’air épuisé, » remarqua Julia en remuant son café.
Maurice haussa les épaules.
Elle posa sa tasse et le fixa, son regard empli d’inquiétude. « Tu veux m’en parler ? »
Il secoua la tête, nerveux. « C’est… compliqué. Disons juste que je suis coincé, et que je ne vois pas de sortie pour l’instant. »
Julia savait qu’il y avait des choses qu’il ne pouvait pas dire, mais elle respectait son silence. Elle posa simplement une main sur la sienne, offrant un soutien silencieux.
Quelques jours plus tard, Maurice fut convoqué dans une section isolée de l’usine. Isode l’attendait, le visage encore plus grave que d’habitude. « Suis-moi, » ordonna-t-il.
Ils traversèrent une série de portes scellées avant d’arriver dans une salle plongée dans une lumière froide. Au centre, une cage de verre contenant une femme. Maurice sentit son estomac se nouer à la vue des innombrables griffes violettes qui marquaient sa peau.
« Voici Samira, » annonça Isode. « elle est… unique. »
Maurice observa la femme avec une fascination mêlée d’inquiétudes.
« C’est impossible » s’exclama Maurice, il savait ce qu’autant de griffe violette signifiait. Il était impossible de réussir autant de copies.
Voir ces griffes violettes fit surgir des souvenirs récents à Maurice. Après un clonage réussi onze fois, l’Algorithme lui avait demandé de faire une douzième copie d’une souris. Alors que les onze copies étaient encore posées sur le bureau, Maurice avait posé la main une douzième fois sur l’originale. C’est en apparaissant que la douzième griffe violette, apparut, chevauchant une griffe déjà existante. Les douze souris se mirent à pousser un cri de douleur avant de se décomposer en un amas de chair et de sang.
Les milliers de griffes toutes parallèles sur le corp de Samira ne pouvaient vouloir dire qu’une chose…
« Samira à la capacité de pouvoir être cloné à l’infini. » continua Isode.
« Pourquoi tu me montres ça ? » demanda Maurice, tentant d’éponger de la main la sueur lui coulant dans le cou.
« Parce que tu vas devoir t’en occuper. Et comme moi, tu n’as pas le choix. »
Il secoua la tête, incapable de parler. Kreel poursuivit.
« Samira est à l’origine des Servantes Oranges, Maurice. C’est grâce à elle que Futech peut fournir une main-d’œuvre infatigable à travers les Lager. »
La révélation était écrasante. Maurice avait entendu parler des Griffes Oranges en cours d’éthique, ces clones dociles utilisés pour toutes sortes de tâches ingrates, mais il n’avait jamais imaginé que leur existence reposait sur la souffrance d’une seule personne.